Le miracle de saint Hubert

Titre
Le miracle de saint Hubert
Localisation
France / Annecy / Musée-Château
Auteur
Savoie
Propriété
Annecy, Musée-Château
Provenance
Duingt, ancienne église Saint Hélien
TAG
religieux, sculpture
Siècle
XV
Période
dernier quart
Inventaire
MC 3541
Matière
bois (noyer)
Technique
bois sculpté en haut-relief, peint, doré
Mesures
cm 50 (h) x 32 (l) x 9 (p)
Bibliographie
Laurent J.-P., Sculptures religieuses en Savoie, Annecy 1954, pl. XIII. Marin-David S., Inventaire de la sculpture religieuse en Savoie et Haute-Savoie, Conservation départementale du patrimoine de la Savoie et de la Haute-Savoie, 2000 (version informatisée) - Sandrine Boisset Thermes, La sculpture en Savoie. Ateliers, artistes et commanditaires à Chambéry et dans sa région (vers 1480-vers 1530), Thèse, Université Grenoble Alpes, 2015, notice 3 (inédite)
Notes historiques
Saint Hubert est né vers le milieu du VIIe siècle. En 722, il devient le premier évêque de Liège. Sa légende se répand au XVe siècle essentiellement en Europe du nord, empruntant certains épisodes à l’histoire de saint Eustache, comme par exemple sa rencontre avec un cerf miraculeux. Un vendredi saint, alors que saint Hubert se livre à son passe-temps favori, la chasse, il aperçoit soudain briller un crucifix entre les cornes du cerf qu’il poursuivait. Aveuglé par la lumière irradiant de la tête de l’animal, il tombe de son cheval et s’agenouille devant l’apparition miraculeuse. Le bas-relief du musée représente précisément cet épisode. Le saint est à genoux, les mains jointes en prière, son cheval immobile derrière lui et ses deux chiens en arrêt devant le cerf représenté entre les arbres de la forêt qui occupent le fond du relief. Il est vêtu en chasseur élégant, chaussé de bottes à éperons, son cor suspendu dans le dos, attaché par une lanière à boucle minutieusement sculptée, son chapeau posé sur le sol devant lui. L’œuvre est un fragment de retable : la partie gauche du relief se trouvait à l’extrémité d’un volet ; au contraire, la partie droite devait être complétée par un autre bas-relief car elle est tronquée au niveau de l’encolure du cheval. Le relief provient de l’église primitive de Saint-Hélien à Duingt aux environs d’Annecy. Saint Hubert n’appartient pas à la tradition figurative savoyarde et l’exemple annécien apparaît donc comme un exemple isolé dans le milieu artistique local. Cependant l’existence dans les régions d’Europe du nord de panneaux sculptés présentant un schéma de composition très proche (voir par exemple le saint Hubert de l’église de Walcourt en Belgique ou celui du musée de la vénerie de Senlis) et réalisés entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle, rend probable la diffusion d’un modèle iconographique commun. Malgré une certaine rigidité dans l’attitude du saint agenouillé et les postures des animaux, le relief se caractérise par la minutie des détails sensible dans le feuillage, le harnachement du cheval ou encore les éléments du vêtement du saint, et par la finesse du traitement des longues mains aux doigts effilés, aux ongles délicats et du visage large et légèrement aplati, aux pommettes hautes, aux petits yeux en amande et aux mèches bouclées profondément incisées. L’atmosphère sereine de la scène comme l’expression quelque peu impassible du saint reprennent des formules identifiées dans plusieurs œuvres rattachées au milieu de production de la Savoie occidentale. Le saint Hubert peut en effet être rapproché stylistiquement d’autres œuvres présentes sur le territoire (Marin-David, 2000). Il existe des similitudes très fortes avec la figure du donateur aux pieds du groupe de la Pietà avec saint Jean et sainte Marie-Madeleine de l’église de Saint Offenge-dessus, aujourd’hui déposé au Musée savoisien de Chambéry. On retrouve un même type physique masculin, le visage menu, encadré par une chevelure dont les boucles s’enflent au niveau de la nuque, les yeux plissés, un peu étirés vers les tempes, le nez bien droit, le menton rond avec une fossette. De même le traitement du paysage est très semblable à celui du groupe de la Nativité conservé dans le trésor de la cathédrale de Chambéry, avec ces rochers stylisés dont les creux d’ombre sont figurés par des sortes de hachures. La physionomie de saint Hubert est également proche de celle des anges priant aux pieds de l’Enfant. Le traitement des drapés, cassants et creusés se retrouve sur les trois œuvres, tout comme la minutie de la crinière ondulante des chevaux et les détails des vêtements. Les mains des personnages sont longues et fines, parfois disproportionnées, celles de la Vierge jointes en prière sont ainsi très comparables à celles de saint Hubert. Vittorio Natale (2002, 2004) a rattaché ces œuvres à l’atelier d’un maître anonyme auquel il a donné le nom de convention de Maître de la Pietà des Antonins, actif en Savoie occidentale à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, introduisant sur le territoire des influences flamandes, sensibles selon lui dans la production conservée. A ce premier noyau, il a ensuite rapproché le saint Bernard de Menthon du château de Menthon-Saint-Bernard sur les rives du lac d’Annecy (volé) et le buste de saint Sébastien du Musée d’art et d’histoire de Genève. Sandrine Boisset-Thermes (2015) a étudié plus récemment ce corpus dans lequel elle distingue plusieurs nuances stylistiques et ajoute une figure de saint Jean conservée dans l’église du Bourget-du-Lac. Elle propose de rapprocher le relief d’Annecy du milieu aristocratique contemporain en prenant en considération la personnalité de Janus de Savoie, fils du duc Louis de Savoie et d’Anne de Chypre et prince apanagé du Genevois (1460-1491). En effet Janus reçoit en 1463 la seigneurie de Duingt et son château où il réside souvent. Saint Hubert aurait bénéficié d’un culte dynastique en lien avec la seigneurie de Duingt et Janus : Hélène de Luxembourg, épouse de Janus, était apparenté au cardinal Louis Ier, duc de Bar, fondateur d’un ordre de chevalerie qui avait pris le nom de l’ordre de saint Hubert en 1422. Selon Sandrine Boisset-Thermes, le fragment pourrait provenir d’un retable commandé par le prince ou son entourage pour la chapelle du château de Duingt, retable dont proviendrait également les statuettes de sainte Catherine (qui pourrait alors plutôt être sainte Hélène), saint Sébastien et saint Bernard de Menthon, conservées au château de Menthon-Saint-Bernard. Elle appuie son raisonnement sur l’existence d’un rouleau de prière (Bibliothèque Municipale de Sens, Ms 0039), relié par Laurence Ciavaldini-Rivière au prince Janus de Savoie vers 1470 et sur lequel figurent, aux côté de saint Hubert, saint Sébastien et saint Bernard de Menthon. Cependant si cette identification peut paraître séduisante, elle semble quelque peu forcée et reste très délicate car elle ne repose sur aucune source archivistique. Les physionomies de saint Sébastien et de sainte Catherine diffèrent de plus dans les détails du corpus précédemment cité. La restauration de l’œuvre en 2005 a permis de détecter des brocarts appliqués très dégradés au niveau du manteau de saint Hubert et en 2014, le relief a été inclus dans un projet de recherche sur la caractérisation de brocarts appliqués sur un ensemble de sculptures savoyardes. Le relief a alors fait l’objet d’analyses non destructives (H. Rousselière et P. Walter du LAMS) utilisant les techniques de fluorescence des rayons X (XRF) et la diffraction des rayons X (XRD). Les analyses des couches de préparation ont permis de mettre en évidence deux groupes d’œuvres : l’un se rattachant au savoir-faire flamand (utilisation à base de carbonate de calcium) – c’est le cas du saint Hubert – l’autre à un savoir-faire du sud de l’Europe (sulfate de calcium). Le territoire de l’ancien duché de Savoie apparaît donc comme un lieu de diffusion des savoir-faire et de circulation des techniques entre le Nord et le Sud de l’Europe. Si aujourd’hui l’origine de la commande du saint Hubert ne peut donc être déterminée avec certitude, le relief d’Annecy apparaît comme un témoignage majeur de la diversité culturelle des territoires savoyards à la fin du Moyen Âge et de l’existence d’une production locale dynamique au sein d’ateliers actifs et bien implantés, riches en échanges.
Expositions
La Renaissance en Savoie. Les arts au temps du duc Charles II (1504-1553), cat. de l’exposition, Genève, Musée d’Art et d’Histoire, 2002, Mauro Natale, Frédéric Elsig (dir.), p 57, 141, 145 (texte de Vittorio Natale) Sculpture gothique dans les Etats de Savoie 1200-1500, cat. de l’exposition, Chambéry-Annecy, Chambéry, éditions Comp'Act, 2003, p. 109-110, n° 28, notice de Vittorio Natale - La scultura dipinta. Arredi sacri negli antichi Stati di Savoia, 1200-1500, cat. de l’exposition, Aoste 2004, Elena Rossetti Brezzi (dir.), Région autonome de la Vallée d'Aoste, p. 114-115, n° 37, notice de Vittorio Natale – Corti e Città. Arte del Quattrocento nelli Alpi occidentali, cat. de l’expo, Turin, 2006, Enrica Pagella, Elena Rossetti Brezzi, Enrico Castelnuovo (dir.), p. 390
Restauration
  • 2005 - Florence Lelong, Grenoble
    L'oeuvre présente un fort encrassement dû à l'oxydation d'une couche de cire de protection. La polychromie d'origine est soignée et bien adhérante. Les opérations de restauration ont consisté à : - dépoussiérage et refixage - nettoyage et dégagement de la polychromie - réintégration

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